Né à Kobayat, dans le Nord du Liban, en 1951, Georges Abdallah est issu d’une famille modeste de Chrétiens maronites. Il fait des études à Beyrouth et devient instituteur en 1972 dans la Plaine de la Bekaa (partie orientale du Liban).
Au contact des camps de réfugié·e·s palestinien·ne·s, il se politise très jeune sur le nationalisme arabe et la Révolution palestinienne. Il adhère au PNSS (Parti National Socialiste Syrien1 puis rejoint rapidement le Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP)2 en 1971.
Georges Abdallah, un combattant de la Révolution palestinienne :
« Nous ne pouvons pas être indifférents à l’endroit des masses populaires palestiniennes et des combattants de la Résistance qui s’opposent courageusement à la barbarie de la soldatesque sioniste et des hordes de colons dans des conditions particulièrement compliquées. » Georges Abdallah.
Au sein du FPLP, Georges suivra un entraînement militaire et politique, notamment dans les camps de réfugié·e·s palestinien·ne·s de Beyrouth. Centres de l’effervescence révolutionnaire internationale de l’époque, Georges Abdallah y côtoiera de nombreux et nombreuses révolutionnaires palestinien·ne·s, libanais·e·s ou arabes mais aussi européen·ne·s.
Il sera amené à voyager dans plusieurs pays, notamment le Yémen du Sud ou l’Europe de l’Est. Il y rencontrera Wadie Haddad, responsable des opérations extérieures du FPLP et sera blessé lors de combats avec les forces israéliennes en 1978.
Georges Abdallah, un combattant anti-impérialiste :
« C’est notre droit aussi d’attaquer l’impérialisme partout où il sévit et en particulier là où il bénéficie du soutien politique du gouvernement en place » FARL, 7 avril 1982.
Suivant le principe « Frapper l’ennemi partout où il se trouve », Georges Abdallah sera l’un des co-fondateur des Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises (FARL) en 1980 qui se donnent comme objectif d’attaquer ceux qui massacrent le peuple palestinien et libanais comme dans les camps de Sabra et Chatila en 1982. Le groupe revendiquera plusieurs actions armées en Europe contre l’occupation du Sud Liban par l’armée israélienne, notamment l’exécution de Charles Ray, attaché militaire états-unien, le 18 janvier 1982 et de Yacov Barsimentov, secrétaire adjoint à l’ambassade d’Israël à Paris, le 3 avril 1982. Tous deux étaient en mission pour leur service de renseignements respectifs.
Le 24 octobre 1984, Georges Abdallah est arrêté à Lyon en possession d’un « vrai faux » passeport algérien.
Georges Abdallah, victime d’une machination politico-judiciaire :
« Qu’un combattant arabe soit jugé par une Cour Spéciale en Occident, rien de plus normal. Qu’il soit traité de criminel et de malfaiteur, rien de vraiment nouveau, (…) Ils rappellent à tous ceux qui ont la mémoire courte le patrimoine de votre justice occidentale ainsi que votre civilisation judéo-chrétienne. » Georges Abdallah.
Dans un premier temps, Georges Abdallah est condamné à quatre années de détention le 10 juillet 1986, pour détention d’armes et d’explosifs. Il refuse le procès mais n’interjette pas appel.
Cependant les autorités états-uniennes exercent des pressions directes sur le gouvernement français afin qu’il ne soit pas relâché. Les États-Unis d’Amérique se constituent partie civile dans le procès.
Entre temps, en 1985- 1986, des attentats faisant de nombreuses victimes (13 mort·e·s et plus de 300 blessé·e·s) sont commis à Paris. Ils sont revendiqués par le CSPPA (Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques Arabes) qui exige la libération d’Anis Naccache, de Varoudjian Garbidjian et de Georges Abdallah. Ce n’est que bien plus tard que les autorités françaises reconnaîtront l’implication de l’Iran dans ces attentats. L’Iran faisait en effet pression sur le gouvernement français afin de stopper son aide militaire à l’Irak.
C’est dans ce contexte que la DST annonce, après plus d’un an de prison, la « découverte » d’une arme dans un appartement loué au nom de Georges Abdallah. Ils prétendent alors que celle-ci a été utilisée lors des deux assassinats politiques.
En mars 1987, les autorités françaises jugent une seconde fois Georges Ibrahim Abdallah sur la base de cette saisie miraculeuse. Il est condamné à une peine à perpétuité par une cour d’assise spéciale alors même que le procureur général avait requis 10 ans de prison.
Peu après le procès, l’avocat de Georges Abdallah, Jean-Paul Mazurier reconnaîtra avoir travaillé pour les services secrets français, trahissant ainsi son client. Cependant, la validité du procès ne sera pas remise en cause.
Libérable depuis 1999, l’État français refuse de libérer Georges Abdallah malgré 8 demandes de libération.
En février 2012, l’État libanais demande auprès des autorités françaises de libérer son compatriote. Le 21 novembre 2012, puis en janvier 2013 en appel, le Tribunal d’applications des peines accordent la libération conditionnelle à Georges Abdallah. Son retour est annoncé par le gouvernement et la presse libanaises. Néanmoins, l’administration américaine déclare son hostilité quant à sa libération. Un mail d’Hillary Clinton à Laurent Fabius publié par Wikileaks affirmera : « nous espérons que le responsable français trouvera une autre base pour contester la légalité de la décision ». Ce qui amène le ministre de l’intérieur Manuel Valls a refuser de signer l’arrêté d’expulsion conditionné à la libération de Georges Abdallah, provoquant la décision de la Cour de Cassation de juger « irrecevable » la décision de libération le 4 avril 2013.
Georges Abdallah, un combattant toujours debout :
« Par delà ces barbelés et ces miradors qui nous séparent, nous voici toujours ensemble, résolument debout face à cette nouvelle année qui s’annonce déjà pleine de luttes et d’espoirs. » Georges Abdallah.
Malgré l’acharnement politique et judiciaire dont il est victime, des campagnes de presse calomnieuses, Georges Abdallah n’a jamais douté de la justesse de son combat. Au sein des prisons françaises, il continue inlassablement son combat pour la libération de la Palestine mais aussi pour l’émancipation des peuples du monde. Intellectuel marxiste érudit et d’une grande curiosité il suit avec la plus grande attention les évolutions du monde et les différentes résistances populaires des Gilets Jaunes aux révoltes au Chili, au Liban ou en Algérie.
Par des déclarations, des photos de solidarité, des grèves de la faim ou des refus de plateaux3 il apporte régulièrement son soutien aux mobilisations en cours en France, au Liban ou ailleurs.
Il signera, dans ce sens, la Plate forme des prisonniers révolutionnaires du 19 juin 1999 regroupant de nombreux et nombreuses prisonnier·e·s communistes, anarchistes et antifascistes d’Europe.
Georges Abdallah, figure de la Résistance :
« La solidarité la plus appropriée que l’on peut apporter à un prisonnier politique, c’est de s’engager toujours plus sur le terrain de la lutte contre le système d’exploitation et de domination. » Georges Abdallah.
Au Liban, Georges Abdallah est considéré comme un Résistant à l’envahisseur israélien et comme un militant luttant contre le régime confessionnel et corrompu libanais. Lors des grandes manifestations qui secouent le pays depuis octobre 2019, l’exigence de sa libération est portée par une jeunesse qui voit en lui un symbole de radicalité et de droiture politique.
En Palestine, le mouvement des prisonniers palestiniens considère Georges Abdallah comme l’un des siens. Au même titre qu’Ahmad Sa’adat⁴ ou Leila Khaled⁵ , il incarne cette génération de combattant.e.s qui ne se résignent pas. Lors de mouvements de lutte dans les prisons coloniales, Georges Abdallah est mis en avant par les prisonniers et leurs soutiens. Il est également régulièrement salué à Gaza où la complicité de l’État français avec l’occupation est dénoncée.
Enfin, ces 35 années d’incarcération, son refus total au chantage au reniement et la clarté politique de son engagement ont peu à peu fait de Georges Abdallah une figure révolutionnaire mondialement connue.
Notes
1. Parti panarabe fondé en 1932 à Beyrouth. Favorable aux Palestinien·ne·s, il s’engage dans la Résistance libanaise contre l’occupation israélienne.
2. Organisation marxiste palestinienne fondée en 1967 notamment par Georges Habache et Wadie Haddad.
3. Refus de repas pour signifier à l’administration pénitentiaire, un engagement solidaire pour une cause.
4. Ahmad Sa’adat est le secrétaire du FPLP. Incarcéré en 2002 par l’Autorité Palestinienne, il a été kidnappé et condamné à 30 ans de prison par l’occupation israélienne.
5. Leila Khaled est membre du bureau politique du FPLP. Première femme a avoir détourné un avion dans les années 70 pour faire connaître la cause de son peuple.